Récits

Ceci n’est pas une simulation…

 
 
 

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Chez nos « cousins d’Outre-Atlantique » les précautions
pour enrayer toute propagation de la grippe dite « porcine » sont clairement explicitées.
Pour preuve cette affichette glissée dans chacun de nos passeports à l’aéroport de Montréal
 
 
 
 
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Quelques jours plus tard, au gré d’une promenade dans la Ville de Québec,
nos pas nous menèrent devant « le cochon dingue ». Cela nous fît plutôt rire ! 
 
 

 

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Trois semaines se sont écoulées depuis.
 La vue du Saint-Laurent s’est estompée 
 au  profit  de la  majestueuse  Garonne. 
 
 

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Le Saint-Laurent vu depuis la « promenade des gouverneurs » à Québec

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La Garonne vue de notre avion, descendant sur Mérignac 
 
 
 
Mais, à  peine  remis de notre décalage horaire,
dans  les  jours qui suivirent le retour au bercail,
mon  amoureuse  toussant de façon  répétitive,
 nous  avons appelé  le 15,  par pure précaution.
 Nous avons déclenché une inimaginable alerte :
recommandations de la DASS,
interventions du SAMU.
 
 
Impressionnant ! 
 
 
 
Interdiction  de  parler  à qui  que  ce  soit et obligation de porter un masque  en ce  qui me concernait.
 Quant à mon amoureuse, elle me fut enlevée par des ambulanciers, accoutrés comme des astronautes. 
 
 
 
 
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 Embarquement immédiat pour l’hôpital Pellegrin.
 
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Le « brancard-bulle », désinfecté après le transport en salle d’isolement !
 
 
 
Hier , fin de matinée , elle était libérée . Plus de peur que de mal .
Après analyses , nulle trace du virus de la grippe H1N1.
 
 
 Nous respirons mieux !
 
 
 
  
 
Ange  
 
 
 

 

 


Pareil à lui-même

 
 

C’était du côté de Tursac en Dordogne, au coeur du Périgord Noir, non loin des Eyzies et des sites troglodytiques aménagés par l’homme. Fin mai, juin peut-être, les soirées étaient douces. Je dirigeais  un stage de formation de jeunes d’une vingtaine d’années. Un gars d’un peu plus de 25 ans me secondait. Mince silhouette, visage émacié, lunettes sur le nez et un sourire  espiègle sur les lèvres. Il s’appelait Pierre.

 

Ce soir là, nous avions organisé une randonnée nocturne. Deux groupes d’une dizaine de garçons et de filles sous notre responsabilité. A l’époque les portables n’existaient pas  mais nous avions néanmoins assez d’informations sur nos itinéraires respectifs, sécurité oblige ! Organisation autogérée cependant et pour le coucher, il y avait du choix : dormir à la belle étoile, sous la  tente, chez l’habitant ou dans le creux des roches, la région n’en manquait pas !

 

Nous approchions de minuit, l’heure où l’on se serre les uns contre les autres, parce qu’il fait plus frais, pour d’autres raisons, certainement aussi ! Dans notre groupe, assis en cercle, à l’orée d’une clairière, en contre bas de la colline dont nous distinguions le sommet, nous étions sous le charme d’un conte imaginé par l’un des stagiaires. Tout yeux, tout oreilles quand soudain  une fille, pointant l’index, s’exclama :

 

« Regardez ! »

 

Le haut de la colline s’était embrasé.

 

S’y détachaient d’énormes têtes sur de larges épaules et progressivement, en gigantesques  ombres chinoises, des personnages nous  apparurent,  impressionnants sous l’éclairage de lampes torches qui avançaient vers nous, en poussant des cris terrifiants !

 

Pierre et ses jeunes nous rejoignaient, avec des épouvantails de plus de trois mètres qu’ils avaient découverts dans une grange abandonnée. Ils étaient magnifiques ces géants de paille et d’oripeaux, comblés ces jeunes de nous avoir fait sursauter avec leur butin porté à bout de bras . Je soupçonnais quand-même Pierre d’avoir activement participé à la mise en scène !

 

J’étais tout à mes souvenirs quand la salle s’éclaira, me faisant cligner des yeux, mais je le reconnus.

 

Il était là, il s’était levé face aux spectateurs, prêt à débattre.

 

Pierre, sa voix, ses gestes, son sourire sous les projecteurs, avaient peu changé en vingt ans…

 

J’étais au cinéma de Pessac.

 

Pour le 1er avril  2009,  Pierre Carles  avait été annoncé et ce n’était pas une farce !

 

Le  programme exceptionnel qu’il avait constitué était projeté en  avant-première : trois courts métrages documentaires, « Le Temps des bouffons » de Pierre Fallardeau, « Le désarroi esthétique » de Pierre Carles , « l’initiation » de François –Xavier Drouet et Boris Carré.

 

Je dois l’avouer , égoïstement, il me tardait que le débat avec le cinéaste se termine…j’avais hâte de retrouver l’ ami . 

   

 Voici quelques infos sur Pierre Carles en tant que réalisateur  !

   

 

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Synopsis: A travers ce documentaire, Pierre Carles prend pour cible les faux critiques de la télévision, dont la figure emblématique n’est autre que Daniel Schneidermann, l’animateur de l’émission "Arrêt sur images". 2002

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Synopsis: Avec l’énergie du moribond, les gouvernants s’emploient à revaloriser le travail. Au besoin, par la force. Mais de plus en plus d’actifs ont compris que pour valoriser leur boulot, ils fallait d’abord qu’ils s’en passent, ainsi que du mode de consommation qui va avec. Pierre Carles et ses acolytes ont mis les pieds dans le plat. 2003

 

Et en prime , un documentaire d’une durée de 14 minutes qui en dit long sur la valeur "travail" aujourd’hui

   

 
 


Au choix…

 

 

 

 

 

                               …Se taire ou faire savoir.

 

 

 

 

 

A l’heure où certaines  voix de droite  donnent le ton sur le comment faire pour aider les jeunes, afin qu’ils restent dans le droit chemin ( une affaire de « bon sens » certainement ) et  ne basculent pas dans la délinquance : Contrôle du comportement dès trois ans et détention dès 12 ans…

 

A l’heure où des défenseurs de la loi pénètrent dans des lieux réservés à l’éducation, pour y cueillir des enfants de classes primaires et les diriger vers un lieu de « rétention » , prison réservée aux « sans-papiers »…

 

A l’heure où les mêmes défenseurs, intimidant des élèves avec leurs chiens, entrent et fouillent en classe, de façon pour le moins troublante,  de jeunes collégiennes et collégiens, suspectés, sans raison, de trafic de drogue…

 

A l’heure où des jeunes adultes installés paisiblement dans un village et participant à son développement sont  accusés comme « terroristes » avant même qu’une enquête approfondie n’ait été menée à leur encontre…

 

A l’heure où les chaînes de la télévision publique dont nous sommes les consommateurs et les payeurs auront leurs directions désignées par un seul personnage, le Chef de l’Etat  (quel qu’il soit, d’ailleurs !)…

 

Nous sommes en droit de nous inquiéter.

 

Moi qui suis un homme de 70 ans passés, fils d’émigrés, dont les racines plongent au plus profond d’une terre andalouse qui dut subir les exactions d’un régime totalitaire. Moi qui naquis et vécus dans un pays colonisé, je savais  et comprenais ce que  pouvaient endurer des  populations soumises, pauvres et démunies face à ce qui fut appelé le  « protectorat » français.

 

Il est vrai que j’ai toujours été sensible à toute injustice vis à vis de qui que ce soit, pour en avoir peut-être souffert personnellement  dès mon  plus jeune âge. En effet, résonne encore en moi ces mots, formulés à mon égard, petit, à l’école : « quand tu sauras parler français correctement, tu auras le droit de t’exprimer » …Je me suis certes rattrapé depuis (au point d’être devenu même trop bavard !) et est-ce un hasard si j’ai voulu consacrer une partie de ma vie professionnelle à l’éducation, comme enseignant ? Mais combien de jeunes ainsi rabaissés auront été marqués à vie, rongés par un destructeur ressentiment ?

 

Quand des adultes, péremptoires et arrogants, en possession d’une parcelle de pouvoir se croient tout permis, le risque est grand de les voir déraper, à l’image de certains de nos gouvernants aujourd’hui dont on ne sait même pas ce qui les autorise à parler comme ils le font. S’il s’agit de la retransmission de directives venant d’en haut, cela se comprend. S’il s’agit de conclusions tirées  de leurs connaissances en éducation et en pédagogie ,  cela pose question : au mieux, ils sont incompétents, au pire , ils extirpent leurs idées de travaux  et de références pour le moins réactionnaires et surtout contestables ( Dire que Dolto aura été célébrée cette année !)

 

Ils seront de toutes manières, tôt ou tard, redevables de leur comportement envers la  jeunesse d’aujourd’hui. Ne nous étonnons pas  si un jour la vindicte de ces jeunes trop souvent stigmatisés ne se transforme en une violence incontrôlable que les apprentis sorciers du pouvoir en place auront alors du mal à contenir. L’effet boomerang existe, comme l’effet Pygmalion , mais il les faudrait un peu plus cultivés, ces démiurges, pour comprendre ! Quoique…ne confondraient-ils  tout simplement prévention et prédiction ?

 

Que faire donc face à ces « Créatricides » de l’éducation dont l’acharnement tue la créativité de nos jeunes comme l’usage d’ insecticides détruit la nature ?

 

Faire comme si de  rien n’était ou faire savoir ce qui se fait et comment ?

 

A chacune et  à chacun,  en toute conscience,  de réfléchir et de choisir…

 

Pour conclure, voici quelques citations qui m’ont interpellé .

 

 

L’une du poète Jacques Prévert :

 

« Aujourd’hui, c’est du napalm que l’adulte met dans la tête des enfants et il est étonnant qu’il s’étonne quand l’enfant fabrique des cocktails Molotov même avant d’être adolescent »

 

L’autre du philosophe Jean-Paul Sartre :

 

« Un enfant, ce monstre que les adultes fabriquent avec leurs regrets »

 

Celle-ci de Françoise Dolto :

 

«Tout groupe humain prend sa richesse dans la communication, l’entraide et la solidarité visant à un but commun : l’épanouissement de chacun dans le respect des différences.»

 

 

Et …une dernière d’un auteur que  je ne connais pas :

 

«  Lorsqu’on ne choisit pas, on ne peut aimer ni les choses ni les êtres.

Au mieux peut-on les voir avec indifférence »

 

 

 

 

©Ange Pérez

 

 


Hospital Universitario de Madrid…

Voilà un endroit que nous avons découvert au pied levé !
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Un dimanche à l’hôpital, c’est rarement le  pied mais y arriver en  urgence  en fin de journée,
c’est   faire tirer  une  gueule  de trois  pieds de long  à tout médecin de service ce jour là !
Cependant,  c’est  au  pied  de  guerre  qu’une  équipe médicale a pris en main  mon amoureuse
accidentée, souffrant le martyr , secouée  tout au long d’un  trajet la menant de Tres  Cantos
au nord  de Madrid, dans  un véhicule de  la  » Cruz Roja », sans le moindre équipement adéquat
pour la soulager alors qu’elle avait le pied déformé comme celui d’un pied-bot.
Quelques heures  auparavant, nous avions les pieds dans l’eau au bord d’une piscine car il avait
fait très chaud, plus de 35° à l’ombre et que nous avions traîné nos pieds toute la matinée dans
le très populaire et cosmopolite quartier madrilène de  » Lavapiés  » ( Lave pieds )
Une heure du matin, je fais le pied de grue depuis longtemps à attendre que ma femme revienne
de la salle d’opération.  Elle en sort la jambe gauche plâtrée jusqu’en dessous de genou,  chairs
armées de  broches suite à une double fracture du  péroné et  du tibia au niveau de la  cheville.
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Ah !  je peux vous assurer que dorénavant l’expression  » regarder où l’on met les pieds  » a pris
un véritable sens pour nous ! Nos vacances se sont terminées pour ainsi dire d’un mauvais pied :
rapatriement  en avion pour elle, et retour en voiture, pied au plancher, pour moi !
Depuis, je  suis  à pied  d’oeuvre du  lever au  coucher du  soleil et  une bonne partie de la nuit.
Quant à  mon amoureuse, elle  se déplace à cloche-pied  à l’aide d’un déambulateur. Sera-t-elle
bientôt sur pied ? Si nous prenons au pied de la lettre ce que nous disent certains, ce n’est pas
demain la veille qu’elle marchera  bon pied, bon oeil. Elle qui se levait  rarement du pied gauche,
partant à son travail toujours d’un pied léger !
J’ai  beau  faire  des pieds et des mains pour lui faciliter ses efforts  à vouloir mettre un pied
devant  l’autre ,  elle  finit par se  fatiguer et  ne  plus  tenir  sur ses pieds s’écroulant dans un
fauteuil après quelques tentatives , mais elle ne perd pas pied pour autant. Avec la volonté qui la
caractérise, elle fait son pied de nez aux défaitistes, elle parle déjà de rééducation avant même
d’avoir subi le second examen de contrôle prévu en début de semaine prochaine.
Elle  garde  le sourire  ( comme son pouce d’ailleurs !) et m’encourage à reprendre  contact avec
vous, chers amis, car nous avons de nombreuses photos à vous offrir.
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« Sur d’autres chemins », ce dernier mois de juillet, nous nous sommes aussi liés d’amitié avec des
personnes passionnantes et créatives que je vous présenterai  bientôt!
En fin de compte, nous avons vécu un voyage au cours duquel
nous avons quand-même pris notre pied !
 En  pied de page , j’ajouterai  nos  remerciements  à nos amis  espagnols : Carmen,  Javier, Vitoria,
 les Fernando,  père et fils,  les Mariajose,  mère et fille.  Merci aussi à Lourdes et Tonio qui nous
 avaient prêté leur maison  et qui d’Alméria où ils étaient en vacances,  elle infirmière, lui médecin
nous  ont , en permanence,  par téléphone,   soutenus  et  prodigués des conseils, intervenant  même
 directement auprès de l’équipe médicale de l’hôpital assurant les urgences !
Enfin pour la petite histoire, nous avons quand-même fêté mon anniversaire le 30 juillet, il est vrai
plus  sagement  que  les années précédentes.  Pas question de sauter à pieds joints ou d’un  pied sur
l’autre, nous  ne  savions  plus  sur  quel pied danser de crainte  de ne pas  retomber sur  nos pieds.
Une fête  » petit-pied » en quelque sorte !
Mais dites-moi, ne deviendrais-je fétichiste ou obsessionnel du pied ?
Allez , il vaudrait  mieux  encore cela que de partir les pieds devant !
Ange

La touche

 

 

 

La touche

 

 

« En avril ne te découvre pas d’un fil » dit le proverbe.

 

« En mai…fais les vide-greniers  »

 

Serait-ce donc un nouveau dicton ?

 

Peu m’importe…je fais ce qui me plaît.

 

Pour une des rares fois que le soleil est au rendez-vous ce mois-ci,  nous n’allons pas chicaner sur la véracité du proverbe.

 

Alors, avec ma femme, nous partons chiner.

 

Pour dégotter un objet de valeur lors d’un vide-grenier encore nous  faudrait-il y aller  tôt le matin.

 

Mais c’est un jour de repos…La grasse matinée et le marché bio du dimanche, cela nous a menés aux alentours de treize heures ! Bien trop tard pour dénicher la perle rare…quoique…

 

Nous passons en revue les stands, derrière lesquels, à ce moment là de la journée soit l’on mange, soit l’on commence une sieste !

 

Le soleil est maintenant au zénith.

 

Je suis attiré par la brillance des touches d’une petite machine à écrire dont le couvercle vient d’être soulevé par des mains de femme, aux doigts longs et blancs comme du marbre de Carrare. Elle porte sur la tête un large chapeau noir. Elle me fait penser à une peinture de Van Dongen. Connaissez-vous sa  « Lady in a black hat » ?

 

Ma femme a également vu l’objet. Nos regards se croisent et nous nous approchons de la table sur laquelle repose une authentique « Underwood » portable des débuts de 1900, identifiable car elle n’a qu’une seule touche « majuscules », à gauche. En effet, c’est après  1920 que le clavier de ce superbe mécanisme fut  doté d’une seconde touche «  majuscules », à droite !

 

« Vous la vendez combien?  » dis-je à la dame ?

 

« 50 euros…nous ne voulons rien ramener à la maison, ce soir » nous dit-elle, souriante.

 

« Alors, donnez-là moi ! » m’exclamai-je, en plaisantant.

 

Dès ce moment, ma femme et moi, mettons en place notre stratégie d’achat.

 

« Tu as combien sur toi ? », me demande-t-elle, à voix haute.

 

«  Il me reste 10 euros » dis-je

 

« Moi, j’en ai 15 » reprit-elle, en parlant assez fort pour que cela soit entendu!

 

« Nous la prenons pour 25 euros » lançai-je, à la dame dont le mari, le compagnon, l’amant ou l’ami, que sais-je, vient d’arriver.

 

Un homme d’une cinquantaine d’années, cheveux longs et grisonnants tombant sur les épaules, avec une barbe de deux jours, lui donnant un côté bohème. Je l’imagine très bien devant l’armature noire de la « Underwood », une pipe à la bouche, des lunettes sur le nez, entrain de s’acharner sur les touches blanches !

 

 

« 40 euros et elle est à vous ! »  me dit-il, ajoutant «  je vous vois très bien écrivant  un roman avec, vous faites écrivain…et elle vous siéra comme un gant ! »

 

Nous sommes en phase, pensai-je.

 

« C’est exact, j’aime écrire et je m’habille souvent en noir … mais nous n’avons que la moitié de la somme »  répondis-je d’un air dépité.

 

Je dois vous avouer que j’adore marchander…Je  suis né dans un pays où ne pas se livrer à cette pratique serait presque une offense !

 

Ma femme et moi sommes prêts à l’acheter. Nos yeux se sont déjà compris !

 

En effet, nous voulons cet objet car  nous avons déjà une autre « Underwood » de bureau de la même époque. Nous lui avons récemment changé le ruban encreur. Du rouge et du noir, nous nous en sommes mis  plein les doigts mais quel plaisir de sentir l’odeur caractéristique de l’encre…Pourquoi ai-je donc pensé à Hemingwuay  à ce moment là ?

 

« Pour 25 euros , je préfère la ramener chez nous » reprend l’homme aux cheveux longs.

 

Tiens, le couple se contredit, pensais-je. La femme tenait un autre discours quand nous sommes arrivés devant elle, tout à l’heure. C’est un bon signe !

 

« Tant pis, nous nous en passerons » dis-je en souriant…faisant mine de m’éloigner …mon amoureuse restant à proximité de l’objet convoité….une façon de garder le contact !

 

« Attendez, monsieur, donnez-moi 30 euros, vraiment je la sacrifie »…me crie le vendeur

 

« C’est bien parce que c’est vous » renchérit l’élégante femme, me dévisageant avec insistance …au point de me troubler.

 

Son malicieux sourire aux lèvres, ma femme me fit signe de venir la prendre.

 

Ce soir, la petite « Underwood » portable dormira aux côtés de son aînée !

 

 

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Des claviers à me faire fantasmer… pour pas cher !

 

 

 


« Etr’ange » de couleur

« Etr’ange » de couleur…

 

 

 

Une lumière aveuglante me surprend … Devant moi des gnomes me toisent du haut de leurs  perches tressées…

 

Je les connais…je les avais déjà rencontrés en juillet dernier à la « foire aux paniers ».

 

C’était aux confins de la Dordogne, à Issigéac.

 

Les gnomes du Fayllouz comme les appelait l’artisan qui les vendaient.

 

J’en avais acheté un que j’avais offert à ma sœur pour qu’elle le plante dans son jardin : je le trouvais décoratif et mystérieux. Je l’imaginais bien, chez elle, dressé au milieu des fleurs !

 

C’est lui que je vois dans mon rêve…il culmine au sommet d’un arbuste chargé de roses blanches.

 

Un à un,  les pétales se détachent et tombent  en zigzagant comme des plumes

 

Le rosier se dénude lamentablement.

 

Le gnome a l’air dépité alors qu’à un pas de lui, sur un nuage de lierre vert, dansent des anges nus .

 

 « Danger … danger » scande  le gnome du haut de ce qui reste du rosier fleuri… 

 

« Danger … danger » reprennent en choeur les angelots malicieux comme en se moquant de lui .

 

Tous  font un vacarme insoutenable.

 

Je me roule dans mes draps et me bouche les oreilles, la tête enfouie dans un polochon moelleux, bourré d’un doux duvet.

 

Rien n’y fait…

 

Pis… maintenant ce sont les gnomes de la « foire aux paniers » qui surgissent dans ma nuit et s’agitent à leur tour.

 

Le  raffut est assourdissant !

 

Dans les temps anciens, ces gnomes étaient, paraît-il, dépositaires du chant du monde. Chacun d’eux était détenteur d’un mot pour le perpétuer. Ils le murmuraient et cela signifiait quelque chose.

 

Mais dans mon rêve que  veulent-ils me dire ? Leur chant n’est qu’une cacophonie insupportable avec Un seul et  même  mot repris en discontinu par tous à la fois ?

 

« Danger…danger…danger… »

 

Soudain plus un bruit…un silence inquiétant comme celui qui précède une catastrophe .

 

Je m’élève dans les airs.

 

 J’ai même l’impression de planer un instant et subitement c’est la chute.

 

 je me retrouve au pied d’un arbre , au milieu de trois anges saisis par des pièges.

 

Des pièges en fil de cuivre comme ceux que j’avais vus quand j’étais enfant…je  m’en souviens très bien… des hommes les utiliser pour  attraper les moineaux…

 

Pris de panique, je lève les yeux au ciel : au-dessus de moi, un autre ange semble suspendu dans le vide. Le piège couleur d’or qui l’enserre est accroché à l’écorce de l’arbre.

 

Tiens, pensais-je, celui-ci a dû tenter de s’échapper.

 

Je constate  alors avec étonnement que tous  ces anges piégés sont noirs .

 

Des anges noirs !

 

Je me réveille en sursaut.

 

S’il est vrai que  la  chasse faite aux clandestins par le pouvoir en place me perturbe et hante souvent mes nuits, je n’avais jamais rêvé d’anges. 

 

Quant à rêver d’anges noirs piégés, encore moins . 

 

Que pouvait donc signifier  cet inquiétant cauchemar ?

 

Et si je manquais d informations ?

 

Qui sait ? Un nouveau décret qui m’aurait échappé dans ce méli-mélo de pseudo réformes, truffées d’effets d’annonces, si chères à nos gouvernants ?

 

Un texte  de défense du territoire stipulant que sur le ciel de France  ne seraient dorénavant tolérés  que les vols d’anges blancs  ?

Inacceptable…même en rêve…pour le fils d’émigré que je suis .

Demain, s’il le fallait, je créerais une association pour la défense des anges de couleur !!!

 
 ©Ange

http://pf.kizoa.com/sflite.swf?did=110985&k=P126664392&hk=1

Excellente fin de semaine à tous…
et faites de beaux rêves !

Histoire d’un secret…

 
 
 
Un Dimanche à Bordeaux
 
 

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Au pied de la Colonne des Girondins des chevaux marins se cabrent…  

   

 

Chiner un jour de brocante, place des Quinconces, peut réserver d’étonnantes surprises ! 

 

C’est au détour d’une allée que je le reconnus parce qu’il avait toujours une main sur l’épaule.

 Je l’avais rencontré pour la première fois une vingtaine d’années auparavant.

 

C’était dans une petite maison, située sur un ancien chemin de halage au bord de la Garonne. Elle était en partie cachée par une haie impressionnante. De gigantesques bambous que je coupais régulièrement. Combien de fois fus-je obligé de les attaquer à la machette !

 

Les promeneurs qui s’aventuraient jusqu’au portail de la maisonnette pouvait l’apercevoir dans la pénombre d’une grande pièce qui ouvrait sur le jardinet. Il bougeait rarement de place. De loin il donnait l’impression de porter de larges bretelles à liserés marron clair et semblait si accueillant !

 

Une petite chatte noire n’hésitait pas à se lover souvent dans ses bras. Il restait impassible et l’acceptait des heures durant .Ce qui d’ailleurs énervait la maîtresse de maison, une femme âgée qui clopinait, s’aidant d’une canne pour avancer et avec laquelle elle délogeait sans ménagement la peluche qui dormait.

 

C’est qu’elle semblait tenir à lui, cette femme ! Elle le caressait en passant, l’époussetait même !

 

Par hasard, un après-midi d’avril, alors qu’un garçonnet du voisinage était en visite chez elle, je surpris une conversation.

Je me souviens très bien : tous deux cueillaient des fraises au pied d’une murette qui nous séparait. Moi j’avais cessé de m’acharner sur les bambous et reprenais mon souffle.

 

         Il faut s’en occuper, disait-elle au petit. Il a connu tant d’aventures, il paraît même qu’il cache un secret au plus profond de lui-même.

         Un secret ! répéta l’enfant, à voix haute.

         Oui, mais je n’en sais pas plus, conclut-elle. 

 

Quelques années plus tard la femme décédait.  

 

Le garçon qui s’était transformé en un élégant jeune homme assistait aux obsèques. Peu de  personnes  accompagnaient le convoi funèbre  …

 

Que devinrent ceux qui la côtoyèrent, je n’aurais pu vous le dire. 

 

Et voilà que je le retrouve aujourd’hui ! Cette main sur l’épaule,  c’était  la sienne !

 

Exposé à la vue des curieux, Il offrait maintenant ses chairs déchiquetées. Eventré, il vomissait ses entrailles aux ressorts rouillés comme s’il avait été déchiré, fouillé de fond en comble.

 

Cacher un secret au plus profond de soi peut donc causer d’inimaginables dégâts, pensais-je !

 

                                          Aussi bizarre que cela paraisse, le fauteuil était mis en vente dans cet état . 

 

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                     Etonné  de  le  découvrir  ainsi  et tout  à  mes souvenirs,  je vis alors déferler une marée rouge sang 

                     qui emporta le fauteuil, la  main sur son épaule   comme un capitaine au long cours porte ses galons. 

 

 

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  De terribles images m’assaillirent …

Me  revinrent  à  l’esprit  les  propos  d’un  bourreau  décrivant l’exécution des Girondins à Paris" …les quatre charrettes arrivèrent sur la place de la Révolution… devant  l’escalier  de  la  guillotine…ils  entonnèrent  en choeur le refrain des hommes libres …  lorsque  les  six têtes  furent tombées,  les paniers  et  la  bascule  elle-même  se  trouvèrent  tellement  inondées de  sang  que   le  contact  de  ce  sang  devait sembler plus horrible que la mort elle-même à ceux qui allaient suivre…au moment où le couperet tombait, le chant des Girondins doublait de force…"

Un insupportable brouhaha me fit sursauter, me tirant de ce cauchemardesque plongeon  dans le passé.

Une bruyante manifestation de vignerons bordelais en colère envahissait la place des Quinconces.

De quatre  énormes citernes hissées sur l’esplanade du vin coulait à flot . Il s’y répandait par jet, en vagues successives, la transformant en une  pataugeoire rougeâtre, un incontrôlable remous …

 

Et comme un bateau ivre l’inestimable fauteuil  a chaviré à tout jamais, perdu corps et biens. 

   

©Ange

 

 


Témoignage

 
 
 
 
 
Je viens de recevoir d’un de mes amis de jeunesse
un texte inédit de son vécu des évènements de 68.
 
 
 
Comme Jean-Francois Ricou dont j’ai fait mention à plusieurs reprises sur ce blog,
Jean-Baptiste Lucchini écrit aussi …Voici ce que j’ai reçu de lui:
 
"Ange
 
J’ai découvert sur ton blog ton évocation de mai 68 avec beaucoup de plaisir et avant de t’écrire j’en ai fait une nouvelle fois le tour. J’y ai participé comme nombre de gens, à ma place, modestement mais j’en ai gardé un souvenir vivace… d’air frais… ce que j’explique par ma nature nanar.
Du coup ça a déclenché chez moi le besoin d’en faire la relation, au niveau de mon petit vécu. Ce texte, je l’envoie et s’il te plait je serais ravi que tu le fasses passer dans ton blog. "…

 

" Mai 68"

 

"Nous avions tourné le coin de la place et débouchions sur le quai Saint Michel en un énorme cortège d’une humanité en état de grâce, un océan de calicot déployé en banderoles  vengeresses. Les hommes, en manche de chemise, têtes hautes, poitrines dilatées mangeaient l’espace avec d’amples mouvements d’épaules ou du torse. Printemps deux fois beau, les femmes, en jean ou jupes plissées ou droites, en corsages légers blancs ou de couleurs étaient, je peux en témoigner, deux fois plus belles. Nombre de couples avançaient en se tenant par la main ou la taille, deux fois amoureux. L’air circulait dans les poumons deux fois plus riche nourrissant une exaltation dans les têtes et les cœurs redoublée. Le pavé répercutait un boucan qui aurait pu effrayer mais les regards reflétaient un flux de fraternité universelle. La rumeur rebondissait sur les façades. Les encouragements des trottoirs et des balcons répondaient aux slogans des manifestants. Il est des circonstances où un fait infime peut illuminer une situation. Ainsi de cette dame qui, délaissant sa place revint -de son séjour, certainement- les bras chargés d’un gros vase débordant de roses qu’elle éparpilla à la volée sur la foule, déclenchant un tonnerre de remerciements. Place Saint Michel un groupe d’étudiants s’était organisé pour faire la circulation et porter aide aux automobilistes désorientés mais pour la plupart ravis. Nous défilions comme dans un rêve, gais comme des pinsons et sérieux comme des papes –la situation exigeait le sérieux des militants responsables- les yeux au ciel, sur cette foule des balcons….’les balcons avec nous les balcons avec nous…’. Il n’y avait pas un képi à l’horizon. Seulement le ciel, le soleil, la foule en délire et sa folle rumeur dans Paris en majesté.  C’était au lendemain la manif des étudiants du 4 mai qui avait été si brutalement réprimée. Quelque chose était en train de naître, d’une force telle que –suis-je le seul ?- je la sens encore m’animer. L’air plus vif promettait un quelque chose d’inconnu et pourtant désiré de longtemps et cela donnait du coffre aux poitrines. Nous nous sentions un appétit à engouffrer  le monde. De cette date les manifestations allaient se succéder sans trêve dans un tel débordement d’énergie que le rassemblement traditionnel du premier mai –c’était cinq ou six jours plus tôt- ou ceux pour la paix au Viet Nam semblaient dans le moment avoir disparu des mémoires. Entre ses quais la Seine coulait tranquille, portant ses chalands avec son sérieux de  gardienne tutélaire de cet esprit qui –serai je chauvin ?- ne souffle nulle part avec autant de vigueur qu’à Paris. Le vieux monde révélait sa vraie face crevassée de mesquineries. Il ne s’en fallait que d’un coup d’air neuf et les femmes et les hommes de ce temps et de ce lieu s’apprêteraient à bâtir un monde nouveau à la taille de leurs rêves. Mais on ne le savait pas encore. Avec les copains de l’UEC nous allions pour une fois insouciants de jouer à  cache-cache avec les flics. Nous étions à l’écoute des anciens ; ‘ne répondez pas à la provocation camarades’ mot d’ordre impératif depuis la manif de 52 contre la venue de Rigway. Je marchais entre Jean Gaudefroy et Jean Gass et nous discutions gravement de la situation, nous qui dix jours plus tôt étions totalement à nos études et à nos farces d’étudiants, nous pour qui le militantisme n’avait jamais réussi à fonder la moindre revendication. Et pourtant une semaine plus tard nous mettions nos collègues pions en grève. Avec l’exigence d’obtenir une augmentation et un vrai statut. Pour l’instant nous nous apprêtions à rentrer à l’institut Baguer où, surprise, mes grands de l’internat des sourds muets m’attendaient pour une relation précise des faits. Pas facile dans le langage des signes et j’ai lu une certaine  déception. Je n’avais pas le moindre casque de CRS prise de guerre à exhiber. Mes gaillards attendaient mieux de moi. A la récré ils  traitaient les filles, de l’autre coté de la grille, de connes –je le dis comme ils l’exprimaient. Elles  étaient du coté de l’ordre. Rien ne va tout droit dans notre monde, et c’est la contradiction qui génère le mouvement, je ne vous apprends rien.

Le lendemain je rentrais au campus, pour prendre l’air du temps et militer pour notre chapelle. L’UEC… les étudiants cocos… filles et fils de gens simples pour la plupart originaires de cette classe ouvrière fière d’investir les privilèges bourgeois. Mes camarades, garçons et filles se trouvaient plutôt farauds de côtoyer une majorité de jeunes gens sans soucis financiers ou même plus qu’à l’aise  -filles avec plus de 2000 francs de fringues sur elles, garçons déjà accoutumés à juger de l’origine et des potentialités des éventuels réseaux à créer- et ces petits bourgeois l’œil affûté sur les évolutions de l’horizon social –on dirait aujourd’hui ‘sociétal’. Un univers pour sociologues. Je n’apprécie pas pour le moment la part de comédie –en partie pour ces gens là ce qui se passe est comédie, ce qu’avait très bien saisi Daniel Cohn Bendit. Comédie productive. Bien plus tard certains ne verront comme résultat à tout ça que l’émergence, dans les années 80 d’une sous-couche sociale –aie… j’ai fait des études de socio… et je suis marxiste… j’aurais du mal à identifier- vouée à une bohème de bon aloi mais politiquement sans goût pour le risque. Je les avais fréquentés dans une autre vie, certains de ces jeunes gens- et je savais pour ma part mesurer l’aune de leur sincérité, leur capacité de mépris et de rejet et la hantise à être toujours en mesure de se placer. J’étais étudiant travailleur et il avait fallu m’organiser pour pouvoir assister aux cours et aux travaux pratiques. Un jour que je protestais devant l’affiche annonçant une modification d’horaire –mon montage entre service et études était un peu serré- une demoiselle dont je tairais le nom m’avait dit ‘quand on n’a pas les moyens on ne fait pas d’études’. Je me suis vu un bref instant en Monsieur de Paris, place de la Concorde, en 93 et puis je me suis vergogné tout rouge. Je suis parti sans répondre.

 

Ah le grand couloir de Nanterre en ce temps ! Je veux parler de la partie de la fac vouée aux lettres et sciences sociales, de ce déambulatoire qui toute l’année 67 /68 avait vibré de tant de revendications, de sit-in, de prises de paroles, de distributions de tracts, dont les murs parlaient par la voix de tant d’affiches de tous ordres. Le sommet resta exposé quelque temps pour faire rire  ‘ma femme sera vierge à mon mariage comme l’était maman au sien’. Le lieu maintenant semblait attendre un aboutissement majeur à toute cette animation. J’y avais déjà connu des moments intenses… d’avoir résisté par exemple à une bande de nanars qui voulaient m’interdire de distribuer un tract. C’était au lendemain du 22 mars… j’étais un rien provocateur.

« – vous dites ‘il est interdit d’interdire

– oui camarade mais le mouvement du 22 mars

– parce que vous êtes organisés maintenant ? » et ainsi de suite jusqu’au moment où arriva Cohn Bendit qui mit fin à la session. Mais je ne perdais rien pour attendre.

Je ne sais si ce que je raconte vous éclaire sur le climat de ce moment à Nanterre mais pour plus ample information et pour vous glisser dans la chose grâce à un réel talent d’écrivain vous pourrez toujours vous reporter au roman du regretté Robert Merle ‘Derrière la vitre’ consacré à la journée du 22 mars. Cette évocation m’a fait reprendre le livre… et j’en ai failli lâcher ma rédaction. Trois lignes d’historien pour faire jaillir le monde de Cloche Merle, de Maupassant, de Marcel Aymé, de René Fallet et j’en passe. Je prendrai donc le temps de respirer sauf pour vous dire que le bidon ville qui s’était installé derrière la fac n’attirait pas encore la curiosité des étudiants révolutionnaires. Fracture temporelle, fracture sociale.

Le surlendemain de la manif de protestation je revenais donc à la fac avec mon petit cartable et l’idée de m’offrir une toile après les cours. Je traversais le déambulatoire sans trop porter d’attention à l’animation. Au quatrième –il me semble me souvenir que c’était au quatrième- le département de socio était vide. Il n’y avait personne pour m’informer. Je ne trouvais qu’un bonhomme qui avait dépassé la quarantaine et avait eu du mal à se faire passer pour un étudiant. Un jour, alors qu’un prof s’était décidé de livrer ses textes à une asso d’étudiants diffusion en polycopiés ce quadra m’avait attrapé par le bras et m’avait demandé, avec quelque fièvre, de lui procurer un de ces ‘tracts’. La police de Papon nous avait certainement affecté le plus adroit de ses chaussettes à clous. Le flic ne m’adressa pas la parole, et je ne lui demandais rien. Je redescendis et filais vers le grand amphi. Il y avait de plus en plus de monde. A la porte de l’amphi une fille -3000 balles de fringues sur elle- apostrophait Daniel Cohn Bendit qui passait avec sa bande ‘Dany… c’est formidable… on vient de faire débrayer un amphi en droit’. De quoi rêver !

J’assistais dans le grand amphi à une espèce de grand messe organisée par un groupe de maoïstes sur le thème ‘oui camarades nous avons eu tort de laisser tomber les étudiants… les étudiants sont eux aussi porteurs de la révolution etc… etc…’. Dans un recoin les anarchistes rigolaient, d’aucuns parmi le groupe organisateur du meeting se désignaient du doigt un jeune homme vêtu de sombre porteur de cheveux longs qu’il allait perdre bientôt– un futur ministre- et qui passait pour faire la navette entre un groupuscule –terminologie UEC- trotskyste et une organisation de poche de ce qui allait devenir le PS. Il y avait quelques UEC de ci de là qui manifestaient une espèce de rétention supérieure… des bourges en révo n’est ce pas… et je n’étais pas loin de cet avis. Proche du parti de la classe ouvrière, le seul, le vrai, nous étions assurés de détenir les clés de la situation concrète… ‘Quelle est ton analyse concrète de la situation concrète, camarade ?’ Dans tout ça beaucoup de bruit pour pas grand-chose en apparence sinon que dans les trois quatre jours suivants les mots d’ordre fusaient, que les affiches se faisaient de plus en plus pertinentes et que sous cette animation couvait ce qui allait se développer à partir de la manif du 13 mai, pour laquelle -’10 ans ça suffit’- rien n’était encore décidé. Ah oui… à l’UEC nous avions fait venir Barbet, le maire de Nanterre, entouré de quelques membres de son conseil municipal et suivi de trois quatre gaillards d’une usine voisine. Barbet avait beaucoup hésité. Un moyen terme avait été trouvé. Le meeting avait eu lieu dans le déambulatoire et non dans l’amphi retenu. Les anarchistes –Daniel Cohn Bendit en tête- qui avaient tenté de s’opposer au meeting en avaient été dissuadés par l’assistance. Mais je n’ai pas senti que l’intervention de ce brave homme – et homme brave… l’Espagne… la résistance… –  qu’était le maire de Nanterre ait répondu à une quelconque interrogation de son auditoire  d’étudiants. Disons que c’était bien mais que chacun était rentré chez soi avec son problème intact. Le parti n’arrivait pas à élargir son audience pour ses propositions de société socialiste, les étudiants restaient en panne de potion idéologique magique. Ça commençait à fuser dans tous les sens. Je ne faisais pas partie –mon appartenance à l’UEC ne l’aurait pas permis- du vivier qui entourait notre prof, Alain Touraine, mais il était intervenu deux ou trois fois sur le mode ‘pour finir les luttes finissent par s’institutionnaliser’. Le concept inversé avait été repris par un groupuscule mao qui ânonnait sur tous les tons pendant des quarts d’heures‘il ne faut pas laisser la bourgeoisie institutionnaliser les luttes camarades’. Je ne faisais pas partie des admirateurs du personnage mais il faut reconnaître que c’était bien joué. L’ordre fournissait au mouvement les pistolets à bouchon idéologique propres à retarder la maturation du mouvement. C’est également de ce moment que Touraine lança son idée sur l’organisation des facs, celles des études et des examens. Il me semble que pour l’essentiel il a gagné sur ce terrain. Je n’arrivais pas à trouver nulles toutes ses propositions. Frustrée de l’échec de l’opération Barbet l’UEC demanda à Pierre Juquin de venir. J’étais de service ce jour là. Un message à la loge de l’institut Gustave Baguer avait été déposé pour moi. C’était rarissime. ‘Batiste il faut que tu viennes on a besoin de toi’. Bien sûr ils avaient besoin de moi à l’UEC, de mes quatre vingt dix kilos et de mon apparent calme. Je trouvais moyen de me faire remplacer et j’y allais seul, avec ma  deux pattes , ayant raté Jean Gaudefroy. Cette fois là le meeting avait lieu dans un petit amphi. Ça a été bref. Le local était bourré à craquer. A l’entrée je me souviens de la présence de Cohn Bendit qui disait à Dutheuil ‘c’est pas la peine s’en mêler, les maos s’en chargeront’ et à peine Juquin installé les maos qui occupaient les places du haut sont descendus sur les cinq ou six qui étions là, à faire rempart de nos corps. Le temps de décrocher à coups de pied et de poing, avec Christian Fohanno et Claude Denis, tous deux vaillants mais pas très affûtés, nous avons fait sortir Juquin et sa secrétaire par une porte de service et on a filé dans ma dedeuch.  J’aurais continué comme ça un peu plus longtemps je serais parti avec un diplôme de garde du corps. Et moi je rêvais de calme, parce que à partir de ce jour il m’a fallu, avant d’entrer dans ce démbulatoire, jeter comme les indiens sur le sentier de la guerre un œil prudent. J’évitais en particulier de me trouver en présence d’un olibrius qui s’était déguisé pour les beaux yeux d’une vraie fille à vrai papa en Antonio das Mortes et lancé dans un défi permanent. Le zozo était champion de savate. Il satanait à l’ancienne tous ceux que la belle avait condamnés d’un regard. Il faut bien que le fric serve à quelque chose. Et puis le mouvement passa aux choses sérieuses. Les gesticulations demeurèrent mais les revendications prirent le dessus.

 

Je n’ai jamais fait de plus belle manif que celle du 13 mai 68. Au milieu de ma bande de copines et copains, la foule, Christiane à deux pas que je connaissais encore à peine, la foule, les mots d’ordre, la jonction des deux cortèges, l’Huma qui avait conquis la manif, les banderoles, la foule sous les banderoles, sur les trottoirs, aux balcons, et un arrêt, bien avant la dislocation, l’annonce du mot d’ordre de grève à Sud Aviation. Et la clameur qui avait  éclaté, accompagnant cette information. Et puis, de ce moment, l’avalanche d’appels à la cessation du travail. Il nous avait semblé connaître un summum. C’est de ce jour que mai 68 a commencé dans sa vraie dimension. Avec des moments de doute… revendication de mille balles mensuels… une semaine de congés supplémentaires… les comités d’entreprises… le syndicat au sein de la boîte et non à l’union locale… je n’y croyais pas tout à fait. On en a tellement fait qu’on ne savait plus certains jours où on était. Je me souviens qu’avec Jeannot Gaudefroy nous nous sommes arrêtés dans un café et nous nous sommes endormis sur la banquette. Nous n’avons jamais retrouvé à la suite de quelle circonstance nous étions arrivés là. C’est vrai que notre journée commençait à cinq heures avec la diffusion de l’Huma à Citroen, à Gennevilliers. Dans la journée nous trouvions à nous employer un peu partout. Une fois à Astra, à Asnières même. Les grévistes étaient menacés par une bande de nervis… c’était chaud… mais les copains avaient menacé de brancher les tuyaux à incendie sur les cuves à acide. J’appris donc incidemment qu’on emploie de l’acide pour faire de la margarine. En tout cas, les nervis se sont sentis moins chauds pour l’assaut. Et j’étais ravi que cela se termine ainsi, je le dis sans fausse honte. Les nervis de Pasqua, ce n’étaient pas les rigolos des maoïstes.

Et nous revendiquions à l’institut même –un statut pour les pions, une augmentation, la fin de quelques trucs vexatoires- et je crois que c’est de ce moment que j’ai accroché l’attention de Christiane, Christiane qui m’a conservé son affection jusqu’à ce jour. L’amour m’avait touché de sa grâce… j’étais en tête des luttes… j’en avais l’illusion du moins. On dira que c’était naïf, mais grisant. Tout ce mouvement ne m’empêchait pas de concocter un voyage en Italie à l’occasion des vacances toutes proches. Avec Christiane bien sûr, et Jeannot, s’il arrivait à se trouver une accompagnatrice. En fait son plan copine rata et il nous accompagna solo dans notre descente vers Gênes jusque le Basilicate. Mais nous n’en étions pas encore aux vacances.

Il y a eu des lieux –la Sorbonne, l’Odéon- où semblait exulter l’esprit du moment. A compter approximativement de ce moment la fac de Nanterre fut un lieu de tension créative. Nous avons vu défiler quantité de cinéastes, de gens du théâtre, de musiciens, de graphistes. Je me souviens d’un petit gros volubile. J’étais étonné de le voir toujours pas rasé, et jamais barbu. Un jour quelqu’un m’expliqua qu’il affichait cette allure prolétarienne qui allait devenir de mode dans le monde ‘intellectuel’ –le monde intellectuel ment monumentalement J Prévert- grâce à une tondeuse spéciale pour gens du théâtre. Je devais être naïf. Cela me semblait être le comble de la duplicité. C’était Roland Castro, l’architecte, le beauf à Fabius. Passent souvent Serge July et Alain Gesmar, les idéologues mao, Philippe Sollers et Julia Kristova –on lit beaucoup ‘Tel Quel’ à l’UEC- et je crois y avoir croisé Jacques Lacan, ce qui ne serait pas étonnant. Les affiches, les mots d’ordre fleurissaient en graphisme parfois à exemplaire unique. ‘faites l’amour dans le béton’ ‘le pouvoir est au bout du fusil’. Nous, étudiants, étions apostrophés par des tas de gens qui nous proposaient l’appui de leurs enthousiasmes –très réels- et de leur expérience quelque peu surévaluée. Le moment de la fin de l’année approchait la menace d’une année blanche, objectif de certains des nanars. Tout ces gens ne se rendaient pas compte de l’exercice d’équilibre auquel devaient se livrer la majorité des étudiants pour survivre en faisant des études et encore moins des sacrifices consentis par les familles de la banlieue ouvrière. Je voudrais leur tisser une couronne, à ceux de mon organisation. ‘Pope’ à la barbe en avalanche –l’André Bourgeot qui deviendra le spécialiste des touaregs au CNRS. Nous étions spécialement attachés l’un à l’autre, ayant failli nous connaître, lui instit et moi bidasse, dans le recoin du Hoggar où les militaires se livraient à leurs essais nucléaires. ‘Nounours’ Gilbert Wassermann, aujourd’hui disparu, si sûr dans ses analyses, d’un physique replet et d’un courage physique impressionnant, ‘Konope’ –le Konopnicki de Marianne- au nez portant en continu les traces humides d’un rhume perpétuel et la bouche une faconde qui pouvait s’exprimer aussi bien en yddish qu’en pur argot parisien, Dominique Vidal, Liliane Halls French, qui tentera vainement de me tirer d’une embuscade tendue par les maos situationnistes, Jean Pierre Bras, licencié de philo à 20 ans, père de famille et qui évaluait la situation au jour le jour aidé de Christian Fohanno et de son épouse Martine –le miracle de l’UEC, seule représentante de la haute bourgeoisie, et tellement à l’aise dans ce monde de prolos-,‘Roro’ Rodriguez, qui avait connu la prison des paras, à Alger. Une anecdote pour fixer Roro. Un jour, pour clore le premier trimestre, notre prof Touraine nous avait imprudemment invités à faire une critique de son cours. Magistral, Roro le disséqua cruellement pendant deux heures et finit sur les applaudissements de la moitié de la salle. Alain Touraine tentait d’implanter le modèle états-unien dans les facs françaises. Il fit là, crucifié blême à sa chaire, une cruelle expérience d’anthropologie sociale comparée. Les mandarins étaient vilipendés, parfois malmenés physiquement ; à cette occasion un mandarin a été ‘critiqué’ au sens noble, c’est-à-dire systématiquement contredit par un de ses étudiants, originaire de la classe des plus humbles. Rien de plus cruel.  J’adorais tout ça, et je comptais bien malgré tout ne pas perdre une année universitaire. J’étais avec Pope le plus âgé de la bande, ayant repris mes études après mon service militaire et deux années de vadrouille.  Ça me classait, aussi, d‘avoir travaillé d’un travail manuel. C’était chez mon grand père, aux halles. Et le temps passait. Et arriva l’heure de la manif des bourges ‘Renault au boulot’ et des élections désastreuses. Je figure dans un film –baillant au milieu du SO d’un meeting pour le soutien à Claude Denis- consacré au scrutin à Asnières, municipalité remarquée pour à peu près reproduire les scores des grands partis au niveau national, et ville où je résidais, travaillais et militais localement.

 

Je ne sais si quelqu’un pourra un jour tirer tous les enseignements des évènements de 68. Il est communément admis que l’histoire ne peut être explicitée objectivement qu’après une période d’attente suffisante. Toujours le débat entre subjectivité et objectivité. J’ai toujours su avoir vécu en pleine subjectivité… et je ne vois pas ce que gagne l’objectivité à passer sur l’aspect émotionnel si fort dans toute cette agitation… et c’était bien les rencontres de subjectivités qui a constitué le bain créatif du moment. Je n’avais pas suffisamment analysé –nous étions centrés, nous, UEC, sur ce qui allait donner les accords de 72 avec le PS resurgi- ce que la situation portait comme attentes d’une petite bourgeoisie déclinante et désormais assurée que les barrières à son accession aux niveaux supérieurs devenaient infranchissables et qu’elle était condamnée. J’y vois là partiellement, mais il y faudrait une étude sérieuse, la source de la structure de la société actuelle. Je ne suis pas le seul à penser que le phénomène bobo trouve là son origine. Le grand Henri Lefèvre n’est plus. J’étais de ses étudiants et je me demande toujours les raisons de sa discrétion dans le mouvement. Il devait se rendre compte de la viduité des propositions des maoistes, dont il s’était fait porteur. Je ne sache pas qu’il ait par la suite entrepris une analyse du mouvement.

J’ai trop vécu la revendication matérielle, bien qu’avec beaucoup d’idéalisme -au sens strict- pour avoir eu la finesse d’analyse d’un Cohn Bendit qui dans le mouvement même préparait sa ressource. Dany le Rouge a été un manipulateur de génie. Il avait su organiser un réseau d’alerte. Il était ainsi toujours présent sur les lieux d’un évènement, et en tirait toujours quelque chose. ‘Allons camarades (je me demandais ce qu’il allait bien pouvoir trouver tellement il avait l’air dépassé à cette occasion) il ne faut pas rêver, la bourgeoisie ne va pas nous faire de cadeaux… il faut nous organiser… et d’abord comment on va tenir si on n’a rien à bouffer… il nous faut préparer des sandwiches’ et ça prenait toujours.

Je nageais comme tout le monde dans un flot de contradictions – les miennes et les autres ‘il est interdit d’interdire’… ‘camarades les photos sont interdites… il y a des espions de la bourgeoisie’… cette bourgeoisie au statut évolutif, pour certains perçue seulement sur le plan esthétique –un mode de vie- et d’autres comme propriétaire des grands moyens de production et d’échanges. Je n’ai par exemple compris que très tard la portée –contrairement aux July et autres Geismar- en termes carriéristes individuels du mot d’ordre ‘le pouvoir est à prendre’ fixé que j’étais sur la prise du pouvoir politique par la classe ouvrière. Je vois maintenant dans tout ça quelque chose de la révolte des pastoureaux du 12ème siècle qui alimenta en masse la 5ème croisade.

L’année 1967/68 avait été riche en mouvements ouvriers. Nous avions passé à Nanterre un début d’année qui m’a donné l’illusion d’une continuité avec la suite. Une confluence de toutes ces attentes si fortement exprimées et contenues ne pouvait manquer de surgir. Je ne sais où placer dans mon récit ce moment international et culturel… mais en nombre d’endroits pousse la contestation. Même en Tchécoslovaquie. Nous ferons avec Jeannot, sa copine du moment et Christiane un tour à Prague en décembre 68, histoire de confronter nos convictions à quelques réalités. Nous allions au comble de l’excitation voir ‘Antonio das mortes’ ‘Dieu noir Diable blond’ de Glauber Rocha, ‘La huera de los hornos’, ‘les amours d’une blonde’. Il  n’y a pas de doute, le mouvement s’inscrit dans le mouvement du monde. De tout le monde. Bien plus tard, trauma de ce choc, quand j’ai intégré l’administration j’ai senti comme une réserve prudente de la hiérarchie face à toute manifestation d’impatience du personnel. C’est seulement sous Giscard que s’est amorcée une tentative de reprise en main. Ce quarantième anniversaire me donne, c’est heureux pour moi, l’occasion de donner une faible représentation de ces évènements, du lieu et de la situation où j’étais. J’y ai trouvé intensément ce qui m’anime toujours et qu’on ne peut mieux illustrer qu’en citant un vieux révolutionnaire aujourd’hui tellement décrié, je dis Wladimir Ilitch Oulianov ‘Lenine’ « Il faut rêver ! »  . Je rêve que prochainement l’occasion nous sera donnée de donner une leçon de plus grande ampleur et de portée définitive à nos gouvernants actuels. Je sais bien qu’il n’y a de victoire qui dure, et pourtant là est la limite même de nos avancées et nos échecs ensemble porteurs d’avenir. ‘Rêver’ dit le poète."

 

                                                         

                                                               © Jean-Baptiste Lucchini.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Y croire ou pas ?

 

 

 

   Y croire ou pas ?

 

    imaginé par 

 ©Ange Pérez

 

 

 

 

                                                                                 J’ai fait un rêve étrange…

 

 

Quand je croisais sur le trottoir un groupe de trois à quatre personnes bavardant entre elles, je saisissais au passage d’étonnantes bribes de  conversation  comme « prendre son pied … chaussure à son pied »… de plus en plus bruyantes et se répétant en boucle !

 

Je  fus à moitié réveillé par le brouhaha qu’elles produisaient dans ma tête. Une mouche se posa alors sur mon nez. J’allais machinalement la chasser quand j’entendis distinctement des mots semblant provenir d’un émetteur proche :

 

« Sois à minuit sous la verrière du Jardin d’hiver »,  la mouche disparut et je replongeai dans mon rêve…

 

Les cordes de la harpe qui surmontait un kiosque à musique aux abords du Jardin d’hiver annoncèrent harmonieusement les douze coups de minuit.

 

Au dernier son le bâtiment récemment construit par la Municipalité pour abriter des plantes ornementales et certains insectes sensibles au froid s’illumina !

 

« Sois le bienvenu au Centre d’émotions lumineuses » me dit un papillon aux ailes de cristal se posant sur mon épaule gauche.

 

Il s’envola gracieusement dès que j’atteignis le  milieu de la pièce.

 

 De la voûte  se manifesta alors une voix  cristalline :

 

« Une rumeur se propage dans notre village : des bruits nous parviennent de salles d’eau à la tombée de la nuit. Nous comptons sur ta perspicacité pour en savoir plus. Sois notre agent secret et choisis ta panoplie ! »

 

 J’étais comme hypnotisé mais j’arrivais à déchiffrer des noms sur des colonnes tournoyantes …« James Bond … Dupont et Dupont…Sigmund Freud…Sherlock Holmes…Bill Baroud…un fluide glacial me parcourut des pieds à la tête…j’allais virer de l’oeil…inconsciemment mon index retint Freud.  

 

Un déclic se fit entendre et un texte en lettres d’argent me fut présenté sur un plateau éclairé.

 

Mission : «  Gérer les fantasmes engendrés par les soubresauts d’une baignoire sabot qui depuis peu s’active dans l’ombre d’une salle d’eau au service de puissances inconnues ! »

 

Un carillon égrena quelques notes musicales et la verrière s’éteignit complètement. 

 

La  nuit recouvrait de son sombre manteau  le village apparemment endormi. J’y évoluais, fantasmagorique silhouette  vadrouillant au ralenti  à l’écoute du moindre bruit suspect.

 

Ils m’arrivèrent enfin aux oreilles. Saccadés par moments… coupés de râles parfois…je me demande même si je ne distinguais pas des cris étouffés…

 

Je me retournais plusieurs fois dans mon lit ne sachant quelle position garder…je restai un bref instant sans bouger et ce fut l’insight : les  pulsions, m’écriai-je !… et le mot à mot d’une phrase célèbre du Docteur me vint à l’esprit :

 

« Les pulsions sont des êtres mythiques, formidables dans leur imprécision. »

 

Les Pulsions…des êtres mythiques… ???

 

 Seraient-elles les puissances au service desquelles s’activerait la baignoire sabot, me dis-je,  toujours dans les bras de Morphée ?

 

 « Elémentaire, mon cher Sigmund »…m’entendis-je déclamer dans mon rêve !

 

J’en conclus que ces bruits étaient tout simplement dus aux ébats amoureux de couples dans leur salle d’eau. Mais pourquoi donc la nuit et les soubresauts de leur baignoire sabot ? Me référant alors à mes connaissances limitées et lointaines de la Mythologie, je pensai aux métamorphoses, à la transformation de l’être aimé ou convoité en un animal ou en un objet  dont l’existence disparaissait aux yeux de l’amante ou de l’amant quand l’obscurité était rompue !

 

Je supposais donc que la baignoire sabot apparaissait dans sa forme humaine et sa nudité. Elle s’adonnait aux jeux de l’amour, insatiable, d’autant plus goulûment qu’elle ne disposait que de quelques heures !

 

Sous le couvert de l’ombre, Eros régnait en maître !

 

Limiter à ne jouir que dans l’obscurité  de  la nuit  me semblait injuste et systématique !

 

La solution au problème  , pensais-je, ne serait-ce de déplacer les baignoires au su et au vu de tous, jour et nuit ? 

 

Le Centre d’émotions lumineuses rapidement informé de mes conclusions prit en main la logistique faisant illico transporter sur la place centrale toutes les baignoires sabot du village. De mémoire d’agent secret, nul n’avait à ce jour assisté à une telle débauche d’énergie : en un rien de temps une impressionnante pyramide de fonte émaillée fut érigée en l’honneur de l’objet culte !

 

Au matin, comme par enchantement,  tous les sabots s’étaient transformés!

 

De loin, on en distinguait de deux sortes, des petits et des plus grands.

 

Ces derniers avaient une forme de croissant de lune, une longue extrémité  dressée comme un dard à la manière des traditionnels « sabots de Bethmale » .

 

Quant aux petits, ils ressemblaient plutôt à des  fleurs connues sous le nom de  « sabot de Vénus », une magnifique orchidée !

 

Il y en avait de toutes les couleurs recouvrant la place centrale comme d’un tapis des mille et une nuits  un marché oriental !

 

Une fois entre leurs mains quelle ne fut la surprise des habitants constatant qu’une simple pression de leurs doigts donnait vie à ces sabots originaux  ! Ils se mettaient à vibrer, certains à tournoyer, d’autres à …soubresauter ! 

 

Cela faisait vraiment plaisir à voir tous ces adultes s’en amuser  comme des enfants avec leurs jouets !

 

Les réjouissances des fêtes de fin d’année se préparaient déjà dans les familles. Il fut donc décidé  à l’unanimité et à bras levés qu’au moins un de ces sabots  serait déposé comme cadeau au pied des sapins de Noël.

 

Ainsi naquirent les « jouets de Vénus » dont tout un chacun  dans ce village devint un passionné promoteur !

 

 

Au réveil, après avoir dormi comme un sabot, je n’avais pas l’esprit très clair!

 

J’ai même laissé échapper un lapsus qui a étonné ma femme : alors que je cherchais la bouilloire pour me faire un thé…vous me croirez si vous voulez …je lui ai demandé « sais-tu où est passée la baignoire ? »

 

 

 

 

Notes de l’auteur à propos de son rêve :

 

 

Toute ressemblance avec des personnes ou des objets existants ne serait que pur…fantasme.

 

Par précautions…si des « jouets de Vénus » vous étaient présentés sous le manteau…méfiez-vous des contrefaçons.

 

 

 

 

                                                                               © Ange PEREZ . décembre 2007

                                    Série Contes de Noël.

 

                                                                                                     

 

 

   

 
 

La baignoire-sabot (suite et fin)

 
La baignoire-sabot ( suite et fin )
————————————-
par
 
© Jean-François Ricou
 
 

 

 

Après force réflexions, la baignoire-sabot comprit qu’elle était soumise aux pressions des Puissances de X, la planète inconnue.

 

C’était une des planètes de la confédération de « La Grisaille » qui luttait éternellement contre les semeurs d’Arcs-en-ciel.

Or, les sympathies de la baignoire-sabot allait à ces derniers qui engendraient le bonheur, à l’opposé des semeurs de grisaille qui n’apportaient que le malheur.

 

Le papillon aux ailes de cristal faisait partie de son camp et elle ne lui voulait que du bien.

 

Les Puissances l’avait choisie pour qu’elle perpètre un sabotage, qu’elle détruise les ailes du papillon.

 

Notre baignoire eut tôt fait de prendre sa décision : il lui fallait disparaître pour échapper aux Puissances. Elle décida donc de changer ses sabots contre des nabots afin d’être méconnaissable.

 

Elle trouva pour se faire un nabot Léon, un Nabot Kov, un nabot rigène australien et eut l’idée d’aller chercher le quatrième au sommet de l’état, un nabot minable.

 

Hélas, ce dernier se montra vite inutilisable et nul en tout.

 

Il portait des talonnettes qui l’empêchaient de faire des claquettes et rendaient précaire l’équilibre de notre amie. De plus, il l’assourdissait perpétuellement de discours creux et prétentieux dans lesquels elle reconnaissait l’argumentation habituelle des semeurs de malheur.

 

C’était un nabot minable et suffisant. Mais il n’en était pas pour cela nécessaire, et la baignoire décida de très vite s’en débarrasser. Il y a parfois plus de bon sens chez les baignoires que chez les humains.

 

Entre deux discours du nabot minable, elle avait prêté l’oreille aux chuchotements du nabot rigène australien qui chantait la beauté des plages d’or et de la mer d’émeraude de son pays. Elle décida alors de quitter la baie du Mont et, profitant d’une marée descendante, après avoir balancé les nabots, à l’exception du nabot rigène, elle se laissa flotter à la surface de la mer, devenue simple baignoire, et bientôt disparue par sa propre bonde.

 

Cette façon de faire peut paraître incroyable à certaines ou certains, que la baignoire qui était contenant pût devenir en même temps son propre contenu.

 

Mais que m’importent les Béotiens ! Je leur répondrai que tout est possible.

 

La preuve, l’Australie a voté dernièrement pour une majorité de gauche, pour la première fois de son histoire et s’est empressée de ratifier le protocole de Kyoto. Alors !

 

                                                                                             

 

 


La baignoire-sabot

AppeAl

 

 entendu

 

Appel reçu

 

 

 

 

La "mouche à petit émetteur" n’a pas lésiné sur les moyens…L’appel à mission a été capté jusqu’en " Neuronie" !

 

Je viens de recevoir un billet de mon ami Jean-François . 

 

 

 

La baignoire-sabot

 

 

 

 

 

« La baignoire-sabot, comme toutes celles de son espèce, était le résultat des amours d’une baignoire et d’un cheval.

 

Pourquoi non ? Il y a bien des poissons-chats et des oiseaux-mouches ! Et pourquoi même n’y aurait-il pas, sur ces pages de liberté poétique, des oiseaux-mouches-espions-bourrées d’électronique ?

 

Elle était très fière des quatre sabots qui la portaient et en tirait d’échevelés numéros de claquettes.

 

Si on l’examinait de plus près, on pouvait voir qu’elle contenait la baie du Mont St-Michel tout entière, et toutes les six heures elle s’emplissait ou se désemplissait avec la régularité d’une horloge. Elle adorait s’emplir de l’eau de la mer, de ses odeurs de varech, du bruit des vagues et du cri des mouettes, comme ceux que l’on trouve dans ces boîtes aux merveilles vendues dans toute la région.

 

Elle se lançait alors dans d’effrénés zapateados, dont le martèlement est à l’origine de la légende de la mer montant, dans la baie, à la vitesse d’un cheval au galop.

 

Tout en haut de la Merveille, l’Ange promenait son regard brillant de la malice des poseurs d’énigmes.

 

Certaines nuits sans lune, on pouvait entendre le " FLAP ! FLAP ! FLAP ! " de ses ailes alors qu’il rentrait d’une mystérieuse escapade. Mais souvent, la baignoire-sabot s’était demandé s’il ne s’agissait pas plutôt du papillon aux ailes de cristal que le meneur du jeu avait associé à son histoire et dont elle ne voyait pas comment il pouvait la concerner. D’ailleurs, était-ce du cristal de baccara ? De Daum ? Tout cela était trop vague. Et elle se demandait même parfois s’il n’y avait pas collusion entre l’Ange et le papillon.

 

Elle appartenait à une lignée qui remontait à la plus haute antiquité.

 

Une aïeule avait abrité les bains de lait d’ânesse de la reine Cléopâtre.

 

Plus récemment, une autre avait bien connu la belle Sophia et lui avait laissé en héritage cette chanson " En passant par la Loren avec mes sabots, avec mes sabots dondaine, ho ! ho ! ho ! ".

 

Enfin, une dernière avait vécu douloureusement l’assassinat de Marat par Charlotte Corday, ce qui inspirait régulièrement à notre amie ce jeu enfantin qui consiste à égrener des mots en reprenant la dernière syllabe de chacun : " Marat bout, bout d’ficelle, selle de cheval… ".

 

Immanquablement, à ce stade de la litanie, la baignoire-sabot s’arrêtait, éclatait en sanglots et appelait " Papa ! ".

 

Car la baignoire-sabot était une âme sensible. Elle n’avait pas connu son père et en gardait une profonde meurtrissure. Mais surtout, quoi que sabotée par la génétique, elle avait grande crainte d’être sabotée par les politiques.

 

Des puissances inconnues l’avaient contactée pour se servir d’elle et de ses sabots.

 

Mais quelles puissances ? Puissance deux du carré ? Puissance trois du cube ? Puissance dix, treize , elle-même l’ignorait.

 

Mais cela sera une autre histoire. »

 

 

© Jean-François Ricou

 

 

Ne manquez pas  d’aller sur  MURMURES  .

C’est un sculpteur de mots qui nous ouvre ses contes ! 

 

 


Mission à prendre !

 
 
Mission à prendre
 
ou battre le faire tant qu’il est chaud !
 
 
 
 

Le « papillon aux ailes de cristal » transforme les vies tristes en féeries. Il a donc décidé de créer un centre d’émotions lumineuses démultipliant les changements inconscients qui ont déjà commencé dans votre vie déclenchant en vous un stéréotype fictionnel d’agent secret.

 

 La « mouche à petit émetteur » est l’inspiratrice des poètes aux réflexions farfelues. C’est votre alliée intérieure : un atout dont vous avez besoin pour mener cette extraordinaire mission qui vous est confiée :

 

 

 
 
" Gérer les fantasmes engendrés par les soubresauts d’une baignoire sabot
qui depuis peu s’active dans l’ombre d’une salle d’eau
au service de grandes puissances inconnues ! "
 
 
 
 
 


Le rituel rompu 3 (fin)

 

 

 

 

 

 

 

Faisant glisser lentement deux cintres sur la barre qui avait bien failli lui trancher la gorge un instant auparavant, l’adolescent réussit à stabiliser sa position dans la  cachette.

 

Il écarte pour ce faire deux vêtements et comme il est grand, son menton  repose maintenant sur une tringle métallique, plus  froide encore depuis qu’il se retrouve emmitouflé malgré lui.

 

Ses yeux balaient l’espace de façon kaléidoscopique.

 

S’habituant à la pénombre qui l’enveloppe, il est surpris par l’apparition de la silhouette  étalant sur le lit défait une blouse bleu céleste.

 

Un mélange odorant de fleur d’oranger mêlé à la fraîcheur d’un tissu récemment apprêté  lui monte aux narines. Yeux fermés, il savoure voluptueusement ce moment de plaisir.

 

En les rouvrant, il est ébloui.

 

Un frisson de plongeur revenu à la surface de l’eau parcourt sa poitrine moite de sudation : la jeune femme  livre son corps par transparence , courbes parfaitement dessinées  comme celles d’un découpage de Matisse !

 

Elle s’accroupit devant les miroirs, soulève délicatement le couvercle de la boîte d’où surgit une fleur rouge et s’échappent  les premières notes musicales  d’un opéra connu.

 

La jeune femme se met à danser d’un pas alerte, improvisant un ballet.

 

La fleur de l’hibiscus en bout de bras, elle se déchaîne effectuant des entrechats de bohémienne dirigée par une flamme ensorcelée !

 

La lumière venant de l’extérieur s’éteint.

 

Elle s’arrête net, tournant le dos à la fente d’où elle se sait observée.

 

Devant les miroirs, elle se dévisage portant la fleur couleur de sang  sur ses cheveux couleur d’ébène.

 

Elle se sourit .

 

Ses yeux de braise découvrent alors sa tunique blanche mouillée qui lui colle à la peau accentuant le galbe de ses seins. Elle les caresse délicatement … ne se doutant pas qu’elle les offre à la vue de l’adolescent bouleversé !

 

«Carmen, Carmen, Don José est rentré, viens nous aider à porter ses bagages » crie par la fenêtre le jardinier affolé !

 

A ces mots, la jeune femme soulève sa tunique libérant sa nudité dont la peau ambrée contraste avec ses dessous blancs ajourés. Elle enfile la  blouse azurée.

 

De sa tunique elle en  fait une boule qu’elle tient d’une main et de l’autre pose amoureusement la fleur rouge sur le lit de son maître, disparaissant aussitôt de la chambre !

 

L’adolescent comme un diablotin sort de sa cachette, en un éclair passe la porte arrière de la maison, rebondit sur la murette et plonge sur son lit , haletant, jambes écartées.

 

Son coeur bat la chamade, des paroles de l’opéra  "qu’il gardera longtemps en mémoire" lui martèlent la tête :

 

« L’amour est enfant de bohême/Il n’a jamais connu de loi/ Si tu ne m’aimes pas je t’aime/ Si je t’aime prends garde à toi ».

 

 
 

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  Merci à "Sourire"  (http://tortue-cosmique.spaces.live.com/) 

et à "Du vent dans les branches" (http://aquarellime.spaces.live.com/) 

de leur participation à mon récit " le rituel rompu 2".

 Le monde imaginaire qu’elles nous ouvrent donne envie d’aller plus loin…

 

Et si nous imaginions une suite...

 

 à "la mouche à petit émetteur" et/ou au "papillon aux ailes de cristal"

 

 

 


Le rituel rompu 2 ( suite)

 

 

 

 

 

 Il fut facile à l’adolescent de passer par-dessus la murette qui le séparait de la porte soustraite à la vue. Il l’ouvrit et la referma en un tour de main.

 

Quand son voisin lui fit visiter sa maison pour la première fois, l’endroit qui fascina le garçon ce fut la chambre à coucher.

 

Il s’y trouvait maintenant. Il ressentait la même curiosité devant les  placards de rangement qui s’étalaient sur toute la largeur de l’alcôve. C’était un alignement de miroirs disposés de part et d’autre d’un claustra coulissant dont il caressa le bois lisse avec sensualité.

 

En face de cet ensemble, de chaque côté d’un lit imposant par sa longueur et l’épaisseur de son matelas, d’autres miroirs semblaient placés de manière à pouvoir renvoyer des images de toute la pièce, y compris de la fenêtre dont les volets à demi tirés laissaient passer un rayon de lumière aveuglante.

 

Il sourit en se voyant ainsi démultiplié par le jeu des glaces et pensa à la « Foire aux plaisirs »  cette attraction organisée au centre de la ville, l’été dernier. Il s’y était tant amusé !

 

Le portail gémit.

 

Le jardinier emprunte l’allée et s’arrête devant la fenêtre coupant le rayon de soleil comme un interrupteur la lumière. Il chuchote quelques mots et tend un objet à la jeune femme qui vient d’arriver.

 

Surpris par leur présence si proche, le garçon  pousse  machinalement le claustra, s’engouffre dans des vêtements suspendus à des cintres et tire la cloison, s’isolant, le cœur battant.

 

Des pas légers résonnent dans la maison. La jeune femme entre dans la chambre.

 

Elle est vêtue d’une simple tunique blanche.

 

Elle se penche et dépose une petite boîte devant les placards à miroirs, sur le carrelage brun du sol, éclairé à  nouveau  par l’embrasure de la fenêtre.

 

L’adolescent n’ose plus bouger. Que va-t-il donc se passer ?

 

 

 

 

…et si vous imaginiez une suite à ce récit….  
 

 

 

 


Le rituel rompu 1

 

 

 

L’homme qui habitait la petite maison aux volets bleus avait trente ans à peine.

 

Il venait de partir pour la métropole où il allait chaque été en vacances dans son village natal :  un écrin de verdure , disait-il !

 

Son jeune voisin avait tout juste seize ans.

 

Il était de famille modeste quittant  rarement leur petite ville dont le nom voulait dire "trou maudit "et dont les habitants se terraient chez eux pour échapper à la chaleur écrasante d’un soleil de plomb à midi.

 

Pourtant, c’est à cette heure là que s’anime la petite maison aux volets bleus quand les odeurs âcres des faux poivriers rivalisent avec le parfum prégnant de l’eucalyptus !

 

Un portail aux gongs desséchés grince alors  sous la poussée d’un immense gaillard aux jambes prises dans l’enveloppe bouffante d’un "sarouel " noir avançant à grand pas.

 

C’est le jardinier parcourant l’allée bordée de rougeoyants hibiscus qui le mène à la buanderie située au fond du jardin. 

 

Le portail laisse passer en suivant  une élégante jeune femme tenant par son guidon nickelé une bicyclette au cadre  aussi blanc que l’immaculée robe qu’elle porte, assortie au chapeau de paille claire dont les larges bords  abritent son visage de madone.

 

C’est la femme de ménage qui pénètre par la porte d’entrée principale, après avoir couché le vélo avec précaution contre un grillage parsemé de fleurs de la passion recouvrant la façade.

 

Le garçon observe ce mouvement chaque semaine par les persiennes entrouvertes de sa chambre .

 

Il est en effet chargé de jeter un coup d’œil sur la vie de cette maison pendant l’absence de son propriétaire qui d’ailleurs lui a remis la clé d’une porte à l’arrière du bâtiment. 

 

Le rituel s’est renouvelé ainsi jusqu’à ce que le jeune garçon ait décidé, le  jour du retour de son voisin , de se glisser à l’intérieur de la maison aux volets bleus avant l’arrivée du jardinier et de la femme de ménage…

 

                                                                                               

 

                        

 
…et si vous imaginiez une suite à ce récit….  
 
 
 
 
 

Nanti de cabot…va !

 

« Mon chien,  c’est quelqu’un » !

 

 

 

Quand pour la première fois,  ma femme et moi avons entendu Devos parler de son chien nous avons beaucoup ri ! Nous, notre chien n’avait vraiment rien d’exceptionnel….

 

« Quoique…quoique… »

 

Depuis que le tramway passe à proximité de la maison, il lui arrivait d’y monter en fin de matinée et de rentrer à la maison en fin de soirée, sans problème !

Rien d’étonnant puisque nous-mêmes avions déjà fait le même trajet en sa compagnie, sans encombre. Connaissant bien notre animal, nous n’avions aucune raison de nous inquiéter de telles escapades.

 

« Quoique…quoique… »

 

Depuis quelques jours, alors qu’était suspendu  le fonctionnement du tramway à la suite de la grève des conducteurs de rames, et que nous redécouvrions avec plaisir, ma femme et moi, soit la marche à pieds, soit les trajets à bicyclette, notre chien, lui,  sans tramway, ne paraissait plus être ce qu’il était !

 

Jusque là  nous partagions un même mode de vie. Sociables, nous avons beaucoup d’amis, lui aussi. Respectueux de notre environnement, nous nous efforçons de ne pas trop le polluer avec nos déchets : en conséquence nous pratiquons le  tri sélectif . Quant à lui,  il fait ses besoins en des endroits prévus à cet effet…comme nous d’ailleurs !

 

Mais ces récents évènements l’ont perturbé. Lui, toujours si calme, généreux et tolérant en toutes circonstances, se comporte autrement !

 

Il  refuse tout déplacement,  rejette  du museau la nourriture que nous lui préparons, sabote pour ainsi dire  notre jardin en y creusant des trous partout, déféquant sans vergogne jusque devant notre porte d’entrée .

 

Méconnaissable et insolent ! J’avais l’impression qu’il se moquait de nous .

 

Ses babines dessinaient comme une sorte de  rictus qui en disait long sur ce qu’il pensait de la suspension momentanée du trafic ferroviaire ! Je lui trouvais une gueule de nanti, étriqué, suffisant et méprisant à la fois. Je l’aurais facilement imaginé avec une pancarte portant en toutes lettres « Tiens bon Sarko ».

 

Allons reprends-toi, me dis-je, tu délires !

 

« Quoique…quoique… »

 

Le dimanche, chez nous, c’est jour de marché !

 

Paniers pleins,  portés à bout de bras, nous quittions  l’étal « fruits et légumes »  tenu par notre vendeur habituel, un sympathique algérien, quand il nous sembla apercevoir une vieille connaissance.

 

Nous nous précipitâmes jusqu’au bout de l’allée principale où ma femme eut juste le temps de sortir son téléphone de la poche et de prendre une photo ! 

 

Maintenant nous avons la preuve de l’égoïsme et du  manque de considération  de notre chien à notre égard .

 

Si la considération n’est pas faite pour les chiens … le convoiturage…il devrait savoir ce que c’est, nom d’un chien !

 

Eh bien non ! Il était au volant de notre voiture et nous a tout simplement ignorés .

 

 

 

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Le Concerto d’Aranjuez

 

 

 

La rencontre du jour

 

 

Il est 19 heures.

 

Impressionnant,  le tramway de la ligne « B » comme un serpent géant glisse sur les rails : il a changé de peau.

 

 

                                                                                                                                                        

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Sur le quai « Montaigne-Montesquieu » du Campus , c’est à peine si les voyageurs osent presser le bouton clignotant qui ouvre les portes . Des photos de joueurs de l’Union Stade Bordelais font corps, ils se tiennent par les épaules nous tournant le dos, placardés sur toute la rame. Des cous de taureaux et des bras musclés enveloppent  l’omnibus méconnaissable qui dessert les stations  du « Bassin à flots » au « Centre de Pessac ».

 

Trois étudiants Argentins devant moi percent la mêlée. Ils m’ouvrent la voie , je les suis.

 

Le silence qui règne dans l’espace où je m’assieds est saisissant…eux-mêmes se sont tus comme si le coup d’envoi de la coupe du monde de rugby si proche nécessitait en préliminaires  un temps de recueillement .

 

Le jour "J" est arrivé !

 

A mes côtés, une jeune fille blonde et menue semble battre la mesure . Sur ses genoux les feuillets du Concerto d’Aranjuez pour guitare et orchestre , œuvre célèbre du compositeur espagnol Joaquín Rodrigo qu’elle déchiffre.

 

Le tramway démarre … mes pensées s’éloignent : je revois alors Alexandre Lagoya et Ida Presti, sa compagne, penchés sur leurs guitares, jouant devant moi…C’était au Maroc, il y a longtemps …

 

Les notes du concerto résonnent distinctement dans ma tête. Ma voisine lève les yeux …nos regards se croisent …nous nous sourions. 

 

 

 

                                                                                              Ange. 7 septembre 2007 


Jean-François RICOU…sculpteur de mots !

 

CO-incidences …ou…concours de  circonstances !

 

« Murmures » sur la toile ….de vibrations en vibrations…particules de l’exosphère ? Je ne saurais l’expliquer …toujours est-il que nous nous sommes retrouvés …sur le net…hors du temps…comme si c’était hier , Jean-François, mon grand ami de jeunesse, et moi !

De nombreux points communs : nos idées sur le monde et nos engagements respectifs dans l’action…notre passion commune pour l’écriture et les arts plastiques.

Une amitié d’une cinquantaine d’années qui n’a pas pris de rides  et qui nous étonne toujours autant, encore aujourd’hui, quand nos imaginations se débrident  et naissent les mots !

Aussi quand je lui ai demandé de m’autoriser à présenter sur mon blog l’un de ses contes, Jean-François a accepté… Découvrez-le…Promenez-vous dans son "Pays de Neuronie"  dont il m’a prêté les clés en toute confiance …! ». Ange.

 

  GAUCHE DROITE

« Comme tous les gauchistes contrariés, j’ai des problèmes de latéralisation. Ma gauche et ma droite sont antagoniques, elles ne peuvent pas se voir.

Un exemple : mon bras droit est de gauche, eh bien ma main gauche est adroite ! Ils sont toujours en train de se taper dessus, et l’on croit que j’applaudis. Enfin, pas toujours, parce qu’il faut dire qu’à droite, on a le bras long et qu’à gauche on tape sur la droite à bras raccourci. Si bien que j’ai un long bras droit et un bras gauche raccourci. Ca me pose des problèmes pour applaudir ! Ma main gauche, au lieu de taper sur ma main droite, arrive sur mon bras droit. Et quand je veux applaudir, je fais des bras d’honneur !

Pour l’honneur, c’est pareil, ma gauche et ma droite n’ont pas les mêmes idées sur la question. Pendant la guerre d’Algérie, ma droite travaillait d’arrache-pieds pour les sévices de renseignements. Ma gauche y a plus d’une fois perdu pied !

Ma droite est jalouse de ma gauche parce que ma gauche a un cœur.

Pour comble d’embarras, ce cœur a deux parties antagoniques : le cœur gauche et le cœur droit. J’ai consulté une planche anatomique, pour voir si c’était normal. Eh bien oui ! Tout le monde a un cœur droit et un cœur gauche. Mais là où les choses se compliquent, c’est que d’après les planches anatomiques le cœur gauche est à droite et le cœur droit est à gauche ! Alors je me pose la question : de quel côté se trouve mon cœur gauche, donc à droite, qui d’après les manuels d’anatomie se trouve forcément situé du côté de mon bras droit qui est à gauche ?

Ou pour simplifier : ma droite qui est à gauche est-elle plus à gauche que ma gauche qui est à droite ?

Errant ainsi de Hue ! à Dia ! de dextre à senestre, j’avais d’abord mis mon alliance à ma main gauche. Quand ma main gauche tapait sur ma main droite, pour applaudir, ça faisait mal ! Alors dans un souci de justice, j’ai enlevé l’alliance à gauche pour la passer à droite ( aidé, forcément, par quelques doigts de ma main gauche !). Mais elle n’allait à aucun des doigts de la main droite. C’est pourquoi je l’ai carrément enlevée, plus d’alliance ni à gauche ni à droite !

J’aurais aimé que ma main gauche ignorât ce que faisait ma main droite. Mais elle sont là à s’espionner et mes petits doigts me disent tout. Pour avoir la paix, je mets mes mains dans mes poches, mais mes petits doigts, ces fayots, cherchent la couture du pantalon ! Et sans problème de latéralisation cette fois : le petit doigt de la main gauche cherche la couture gauche et le petit doigt de la main droite cherche la couture droite. En somme, il n’y a que les militaires qui sachent où ils en sont. Chez eux, quand on dit "Arme sur l’épaule ! "…c’est toujours suivi de "droite"! Et si l’on y parle de " passer l’arme à gauche " c’est qu’on pense " passer la gauche par les armes ".

Du coup , je préfère sortir mes mains de mes poches, je résoudrai bien un jour mes problèmes de latéralisation. »

 

Jean-François RICOU. « Contes de Neuronie ». Editions des Ecrivains. 2000.

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                         Pour plus d’informations sur les écrits et les créations de cet écrivain-sculpteur ouvrez donc son site :

 

 

 

                                                                                         


Expédition nocturne à Noël !

 

 

 Expédition nocturne à Noël !

 

Le parachutage était prévu aux alentours de minuit. J’allais vivre cette expérience pour la première fois.

 

A l’étroit maintenant dans notre cocon, nous vivions cette attente avec effervescence. Nous nous agglutinions les uns aux autres, petits et grands , sans distinction de structure , dans un bain de vapeur d’eau en métamorphose sous l’effet d’un froid intense.

Aucune idée précise sur notre destination. Au-dessous de nous, une myriade de petits diamants brillaient comme scintillent  les étoiles dans le ciel.

Nous devions être les plus lourds de la cargaison car nous fument largués sans ménagement hors de notre base aérienne.

Cristaux solidaires nous formions un gros flocon livré à lui-même dans cette expédition nocturne sans plan de route mais avec l’objectif de tenir bon quoi qu’il arrive. 

Une multitude d’autres flocons ballotés par un vent glacial accompagnent notre descente. L’obscurité s’anime étrangement ! Des sons répétés nous parviennent d’un territoire inconnu paradant plus bas dans un halo de lumière. Et nous , nous ne savons toujours pas où nous allons nous poser !

A l’approche d’une bâtisse s’érigeant sur un sol aussi blanc que nous le sommes, nous dansons,  décrivant de larges spirales orchestrées par des courants d’air.

Grand est le danger de s’écraser malencontreusement!

Nous tentons donc de nous accrocher à des croisillons  repérés de loin. Ils semblent protéger les ouvertures qui trouent le haut d’un mur. Celles-ci sont encadrées sur toute la longueur du pan par deux bordures de tuiles en feston. Au-dessus se détache une proéminence coiffée d’un casque en ferronnerie torsadée. Il paraît que c’est un clocher illuminé pour fêter la naissance d’un enfant nommé Jésus.

Catastrophe ! Notre flocon n’adhère plus sur le rebord où nous nous tenons en équilibre. Il a fondu en partie. Aussi, en cristaux déterminés à poursuivre notre mission, nous en reconstituons un, hélas réduit de moitié.

Inconscients des risques encourus, nous le laissons nous  transporter sur les branches couvertes d’aiguilles d’un arbre de couleur intense , entre l’émeraude et le vert bouteille. D’autres flocons y sont  accrochés en guirlande. Notre arrivée aussi inattendue que tardive met un point final à cette éphémère décoration alors que tinte un dernier coup de cloche !

Nous les entraînons dans notre chute et, un à un, nous nous écrasons sur un manteau ouateux où nous disparaissons, tous cristaux confondus.

                                                  

                                                      

     © Ange PEREZ . décembre 2006 

Série Contes de Noël.

 

 

 

 


La tête de grand-mère…

 

La tête de grand-mère …

 

Je me souviens …

 

Enfant, avant de me coucher, je m’arrêtais toujours sur la plus haute marche de l’escalier menant à l’étage où s’ouvrait ma chambre. J’y restais pelotonné, les yeux fermés, remplissant mes poumons des odeurs du bois qui pétillait dans la cheminée. Je me laissais bercer par les chuchotements de mes parents, puis subitement j’écarquillais mes prunelles. J’aimais observer leurs visages colorés par le jeu  des flammes comme le faisaient les enseignes lumineuses sur ceux des passants à Noël !

Un éclat de voix me tira de ma torpeur :

« Ta mère a perdu la tête », disait mon père à ma mère.

J’en sursautai et craignant d’être découvert  je détalai comme un boulet, croisant au passage notre chatte noire, le poil ébouriffé et la queue gonflée comme un goupillon . Tapi dans le fond de mon lit, sous la couette, mon cœur battant la chamade, j’essayais de comprendre.

J’avais pourtant déjà entendu mon père dire d’elle : « c’est une vraie tête de mule ! »

Je trouvais cela drôle et je me la représentais très concrètement avec de longues oreilles et un museau proéminent…mais de là à imaginer ma grand-mère sans tête !

Doit-on vraiment toujours croire ce que disent les adultes ?

Je me souviens que ma mère me promit un jour de m’accompagner pour faire du patin à glace. Une patinoire venait d’être installée en plein centre ville. Quelle ne fut ma surprise quand je découvris que c’était une "patiblanche"!

Une autre fois  mon père me mena à la foire aux bestiaux. Les poules m’intéressaient. Certaines, pondeuses , n’hésitaient pas à se produire en public. J’en gardais un souvenir inoubliable !

Au retour, pour le repas du soir, ma mère  me proposa un œuf à la coque . Ne savait-elle donc pas qu’un coq ne pouvait faire un œuf ?

Alors  sa mère décapitée … difficile à croire !

Pourtant mon père, lui, ne m’avait jamais menti.

Et moi je voulais ma grand-mère avec sa tête ! Comment faire ?

Euréka ! Repoussant ma couette à coups de pieds et de bras, je surgis du lit pour me précipiter vers mon bureau. Ma liste de commande au Père Noël y était encore posée. Tout en bas et en grand, j’y ajoutais « Tête de grand-mère », souligné trois fois ! J’y croyais tellement à ce bonhomme bouffi, si généreux et toujours fidèle au rendez-vous !

Mon père posta cette liste le lendemain…Au retour, il m’annonça que toute la famille se réunirait à la maison pour les fêtes.

Le matin de Noël, croyez-moi si vous voulez, au moment de déballer mes cadeaux , agenouillé au pied du sapin illuminé, jetant un coup d’œil vers les personnes qui passaient la porte du salon, je la vis.

Ma grand-mère était là  , sa tête bien posée sur ses épaules ! « Oh ! merci, merci, Père Noël !»,  répétai-je en silence.

Ma mère guida ma grand-mère jusqu’à la cheminée et l’installa . Un fauteuil lui était réservé quand elle nous rendait visite.

J’étais heureux.

Mais je ne comprenais pas pourquoi deux heures après elle était toujours assise au même endroit, souriante, le regard égaré , ses mains s’activant avec acharnement sur du papier cadeau. Devant elle,  s’en amoncelaient des tas de morceaux aussi petits que des confettis .Elle les obtenait  en déchirant machinalement et sans cesse les feuilles  enveloppant les nombreux présents que le Père Noël nous avait apportés.

Attendri, je lui souris .

Les raisons qui la poussaient à déchiqueter ainsi du papier m’importaient peu.  Ce qui comptait le plus pour moi en cette journée de Noël , n’était-ce qu’elle ait enfin retrouvé sa tête ?

  

©. Ange PEREZ. Décembre 2006.

Série Contes de Noël